Claire Blick, correctrice de fiction dans un roman de Jean-Paul Dubois

Des héros de fiction journalistes, on en voit quelquefois. Plus rares sont les romans dont les personnages principaux sont correcteurs. J’ai parlé il y a peu sur ce blog du très beau et très personnel ouvrage d’Erwann Desplanques, Si j’y suis, dont Jacques, le narrateur, est correcteur de presse.

Une sorte de filet

Dans Une Vie française, publié en 2005 aux éditions du Seuil, Jean-Paul Dubois donne à la mère de son héros, Paul Blick, le métier de correctrice.

Même s’il en est peu question dans le livre, un passage est consacré à la fonction de Claire Blick. « Un correcteur, disait-elle, est une sorte de filet chargé de retenir les impuretés de la langue ».

Voici l’extrait.d95f8eb1-ab95-4ff6-8cf6-ac97f9b96837

Claire Blick, correctrice de fiction dans un roman de Jean-Paul Dubois

Daniel Picouly : « Il faut écrire en amant et relire en mari »

Dans La faute d’orthographe est ma langue maternelle (pièce en un acte
à un personnage : l’auteur), Daniel Picouly évoque son rapport à la lecture
et à l’écriture. Il consacre un court passage à la réécriture, en une scène
fort imagée. Extrait.

 

images« Pourquoi, quand on relit ce qu’on a écrit le soir, on se trouve génial, et le lendemain matin… nul ?

[…]

Que s’est-il passé pendant la nuit ? Où est passé notre génie ?

Il a pris la tangente.

Le soir, quand on lit son texte, c’est de la passion amoureuse.

Ce qu’on a écrit et ce qu’on voulait écrire sont au lit ensemble.

Deux corps mêlés en sueur.

On ne fait plus de différence entre le désir du texte et le texte.

Le lendemain matin, on tend la main et… les draps sont froids.

Il ne reste que le texte nu.

Et maintenant on doit le rhabiller.

Il faut écrire en amant et relire en mari. »

(Le texte du spectacle a été publié aux éditions Albin Michel – extrait de la page 104).

La faute d’orthographe est ma langue maternelle, de Daniel Picouly. Éditions Albin Michel. 120p. 12, 50€.

 

Daniel Picouly : « Il faut écrire en amant et relire en mari »

« Write drunk, edit sober » (aurait dit) Ernest Hemingway

« Write drunk, edit sober ». Ce pourrait être de l’Hemingway pur malt. Sauf que l’écrivain n’aurait jamais prononcé cette phrase. Selon divers contributeurs du site Reddit,  elle émanerait du romancier Peter de Vries.

En 1964, de Vries publie un roman intitulé Reuben, Reuben, dans lequel le personnage principal, inspiré du poète alcoolique Dylan Thomas, déclare : « Sometimes I write drunk and revise sober, and sometimes I write sober and revise drunk. But you have to have both elements in creation — the Apollonian and the Dionysian, or spontaneity and restraint, emotion and discipline. »

Un pichet de Martini

Dans un entretien, Ernest Hemingway répond à la rumeur selon laquelle il lui faut chaque matin un pichet de Martini pour travailler : « Jésus Christ ! Vous avez déjà entendu parler de quelqu’un qui boit en travaillant ? Vous pensez à Faulkner. Il le fait — et je peux le dire, parfois en plein milieu d’une page quand il a bu son premier verre. Cela dit, qui diable prend plus d’un Martini à la fois ? ».

Qu’importe. Il n’est pas bon de casser les légendes. « Write drunk, edit sober » dans la bouche d’Hemingway, ça sonne bien. Ce ne sera pas la première fois qu’on lui attribuera des propos qu’il n’a pas tenus. Peut-être ceux-ci sont-ils de lui : « Soyez toujours sobre pour faire ce que vous vouliez faire quand vous étiez ivre. Cela vous apprendra à la boucler. »

Olivier Quelier.

« Write drunk, edit sober » (aurait dit) Ernest Hemingway

Jean-Philippe Toussaint : « Seul le temps lave vraiment le regard »

L’ouvrage est court et passionnant, dense et riche d’autodérision. L’Urgence et la patience, de Jean-Philippe Toussaint, est un recueil d’une dizaine de textes, certains inédits, d’autres, plus nombreux, publiés dans des revues et diverses contributions. Tous ont été relus pour la présente édition.

Avec un humour singulier, Toussaint y parle de ses lectures, dévoile ses trucs d’écriture, ses manies, ses bonheurs. Il nous raconte sa passion pour Dostoïevski, son admiration pour Samuel Beckett, son amitié pour Jérôme Lindon.

Le livre tire son titre de « l’urgence, qui appelle l’impulsion, la fougue, la vitesse — et la patience, qui requiert la lenteur la constance et l’effort. Mais elles sont pourtant indispensables l’une et l’autre à l’écriture d’un livre (…). » Et à sa relecture, comme Jean-Philippe Toussaint l’explique, avec force images, dans le texte suivant (page 29/30).

O. Quelier

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En aval…

« En aval, dès qu’une page est terminée, on l’imprime et on la relit, on l’amende, on la rature, on trace des flèches à travers le texte, on corrige, on ajoute quelques phrases à la main, on vérifie un mot, on reformule une tournure. Puis on réimprime la page et on recommence, on recorrige, on vérifie encore, puis on réimprime et on relit et ainsi de suite, à l’infini, traquant les fautes et débusquant les scories, jusqu’à l’ultime échenillage des épreuves.

(…)

Il y a de multiples stratégies pour essayer de découvrir le travail d’un œil neuf, de le piéger, de le surprendre, à l’improviste, comme si on le découvrait pour la première fois pour le juger d’un regard impartial. Une sieste peut faire l’affaire, une longue nuit, encore mieux. J’ai même l’intuition qu’une partie de la relecture d’un livre peut se faire durant le sommeil. À l’état de veille, le livre s’est inscrit dans le cerveau avec la précision d’une position d’échec, et, la nuit, quand on dort, l’étude des variantes se poursuit (…). Mais inutile de s’acharner à raturer sans fin. Seul le temps lave vraiment le regard. »

L’Urgence et la patience, de Jean-Philippe Toussaint. Éditions de Minuit, collection Double, 112p., 6€.

À lire aussi : 

« La phrase mutine de Jean-Philippe Toussaint« .

Jean-Philippe Toussaint : « Seul le temps lave vraiment le regard »