Fabrice Arfi : « Si l’on ne se satisfait pas de la communication, on fait de l’information »

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Fabrice Arfi est journaliste à Médiapart. Sous sa direction a été publié en 2015 Informer n’est pas un délit, chez Calmann-Lévy.

Fabrice Arfi a accordé un long entretien au site www.inaglobal.fr. Il y évoque le journalisme, l’affaire Bettencourt, l’intérêt général et le secret d’affaire. Il déclare notamment : « Je fais partie de ceux qui considèrent que le journalisme d’investigation n’existe pas. Je veux bien concéder qu’il y ait un journalisme d’information et un journalisme de commentaire, avec, parfois, pourquoi pas, une frontière poreuse entre les deux. »

L’intégralité de l’interview est à lire ICI.

Fabrice Arfi : « Si l’on ne se satisfait pas de la communication, on fait de l’information »

Françoise G. et la coquille du New York Times

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Françoise Giroud. (© Yavel/Sipa)

« Les erreurs… j’ai écrit un jour un article pour le New York Times, qui passe pour le meilleur journal du monde. J’ai reçu trois coups de téléphone pour me demander de confirmer que tel chiffre était bien exact, que telle date avait bien été vérifiée, que tel prénom s’accordait bien à tel nom…

J’étais éblouie. Voilà, me dis-je, des gens sérieux.

Le journal est sorti. Mon nom y était écrit avec un x. Ils étaient penauds à New York ».

Françoise Giroud, in Leçons particulières, éditions Fayard.

Françoise G. et la coquille du New York Times

Journalisme : les neuf principes fondamentaux

Dans leur livre Principes du journalisme, sous-titré Ce que les journalistes doivent savoir, ce que le public doit exiger, Bill Kovach et Tom Rosenstiel définissent les règles inhérentes aux fondements du journalisme. Règles dont les citoyens « sont en droit d’attendre le respect, pour vivre en êtres libres et autonomes ».

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Illustration : L’Amiral pour GrandeurSRvitude.

L’ouvrage Principes du journalisme, publié en 2001 aux États-Unis, en 2004 en France, a été réédité il y a peu en poche, dans la collection Folio Actuel.
Il est né de la réunion, en 1992, de vingt-cinq journalistes de renom, inquiets du « grave dysfonctionnement » dont, estimaient-ils, souffrait la profession.

CVT_Principes-du-journalisme-Ce-que-les-journalistes-_5429Les neuf principes retenus

1. S’astreindre au respect de la vérité.
2. Servir en priorité les intérêts du citoyen.
3. Par essence, vérifier ses informations.
4. Conserver son indépendance à l’égard de ceux dont on relate l’action.
5. Exercer sur le pouvoir un contrôle indépendant.
6. Offrir au public une tribune pour exprimer ses critiques et proposer des compromis.
7. Donner intérêt et pertinence à ce qui est réellement important.
8. Fournir une information complète et équilibrée.
9. Obéir aux impératifs de sa propre conscience.

Voix aux chapitres

Principes du journalisme a pour ambition « d’inciter les journalistes à définir les valeurs d’une presse indépendante, et les citoyens à exiger un journalisme travaillant dans le respect des principes qui ont permis à une presse libre de voir le jour ».

L’ouvrage, très dense, comporte une dizaine de chapitres. Les auteurs reviennent sur les notions de vérité, de vérification des faits, d’indépendance et de traitement de l’information. Rien de très nouveau, en apparence ; c’est dans la subtilité de l’approche et la richesse des interventions partagées que réside le grand intérêt de ce livre.

Raconter une histoire

J’ai surtout apprécié le chapitre VIII, intitulé Mobiliser l’intérêt du public sur les sujets qui le méritent. Le titre ne l’indique pas vraiment, mais il est question dans ces pages d’écriture, de récit et de narration.

Passionnant car, comme le rappellent Bill Kovach et Tom Rosenstiel, « le journalisme consiste à raconter une histoire tout en poursuivant un but précis. Ce but est d’apporter au public l’information dont il a besoin pour comprendre le monde. La première est de mettre le doigt sur l’information ; la seconde est de la rendre compréhensible, pertinente et intéressante ».

Les divers concepts originaux présentés devraient donner des idées aux – espérons-le nombreux – rédacteurs qui liront cet ouvrage profond et motivant. En principe.

Olivier Quelier

Principes du journalisme (Ce que les journalistes doivent savoir, ce que le public doit exiger), de Bill Kovach et Tom Rosenstiel, Folio Actuel. 8,70€.

 

 

 

Journalisme : les neuf principes fondamentaux

Le pire métier de 2016 (aux USA) : journaliste, ça va de soi

Qu’y a-t-il de pire, aux Etats-Unis, que d’exercer le métier de pompier, de dératiseur ou de chauffeur de taxi ; que d’être chargé de publicité, voire du recrutement des militaires ? Eh bien, oui, mesdames et messieurs, vous l’avez deviné : le pire de tout est d’être journaliste.

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Il ne ferait donc pas bon être journaliste aux Etats-Unis… Photo : capture d’écran du site Careercast.

Ce n’est plus vraiment une surprise. Depuis 2013 – à l’exception de l’année 2014 où il occupait la deuxième place, devancé seulement par le bûcheron pour une question de salaire – depuis 2013, donc, le métier de journaliste est considéré par l’agence américaine Careercast, spécialisée en ressources humaines, comme le pire des métiers.

À noter qu’à la différence de l’an dernier, si le métier d’animateur radio (broadcaster) figure toujours parmi la liste des dix pires métiers (3e position), celui de photojournaliste a disparu du classement.

« Sauter d’un navire en perdition »

Pour réaliser son classement, Careercast s’appuie sur quatre critères : l’environnement de travail, le niveau de revenus, les perspectives d’évolution et le stress. Sur le site, Ann Baldwin, présidente de Baldwin médias PR, dans le Connecticut, déclare : « Le secteur des médias a radicalement changé ses dernières années, et pas dans le bon sens. Quand on me demande s’il me manque, je réponds que j’ai eu l’impression de sauter d’un navire en perdition ».

Des propos qui nous feraient vite sombrer dans la dépression. Par chance, la réalité américaine n’est pas (encore) celle de la France. Et surtout, il ne s’agit que d’un classement dont les critères peuvent être discutés.

Entretenir l’optimisme

En France, de nombreux journalistes continuent d’aimer ce qu’ils font et ne souhaitent pas changer d’activité. Un sondage CSA affirme que les Français considèrent plutôt bien le métier.

Et pour entretenir l’optimisme, on peut citer les propos du correspondant de guerre italien Luigi Barzini Jr. Il affirme que malgré tous les inconvénients, être journaliste, « c’est toujours mieux que de travailler« .

Olivier Quelier.

Le pire métier de 2016 (aux USA) : journaliste, ça va de soi

Le journalisme de solution, solution du journalisme ?

On parle beaucoup, et de plus en plus, d’un journalisme « positif », dit journalisme de solution. Didier Pourquery, directeur de la rédaction de The Conversation France, en est un ardent défenseur. Des médias comme Sparknews et We demain tentent de le mettre en pratique.

Les stagiaires rédacteurs, secrétaires de rédaction, photojournalistes et graphistes de l’emi-cfd ont décidé d’orienter leur magazine-école de fin d’année vers ce journalisme positif. Résultat : le Médialibre des possibles, qui aborde les solutions d’aujourd’hui et les idées pour demain.

A cette occasion, j’ai effectué des recherches sur le journalisme de solutions. Voici réunis quelques propos d’auteurs et de spécialistes qui permettent de mieux cerner cette approche. De quoi susciter la curiosité. Et, pourquoi pas, des vocations.

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« Pas une liste de remèdes »

Alexander L. Curry & Keith H. Hammonds, auteur de l’étude The Power of Solutions Journalism. Le journalisme de solutions est une démarche qui entend lier les problèmes de société les plus enracinés à leurs réponses potentielles. Il observe la manière dont les citoyens, les institutions, les entreprises, les collectivités et les groupes sociaux expérimentent et mettent en œuvre des solutions. Cette approche orientée solutions ne se réduit pas à une liste de remèdes qui fonctionnent, mais permet de comprendre pourquoi et comment des initiatives deviennent viables et/ou rencontrent des difficultés, de comprendre le succès d’une initiative ou d’une situation ou ses difficultés et obstacles.

« Un journalisme de parti pris »

Éric Dupin, auteur de Les Défricheurs. Le journalisme de solution, c’est un journalisme de parti pris, et ce parti pris est le contraire du journalisme traditionnel. On dit que les médias relaient toujours l’information des trains en retard mais jamais des trains à l’heure ; les journalistes parleraient donc toujours de ce qui va mal. Le journalisme de solution, c’est la démarche inverse, mais je pense que les gens trouvent cela artificiel et n’y croient pas.

« Donner les moyens d’agir »

Christian de Boisredon, fondateur de Sparknews. Nous nous sentons régulièrement submergés par l’actualité quotidienne souvent catastrophique. Bien sûr, le rôle des médias est de nous informer et de nous alerter, mais lorsque les journalistes relaient aussi les initiatives positives, ils nous inspirent et nous donnent les moyens d’agir.

« Médiatiser toutes les initiatives »

Éditorial du supplément Impact Journalism Day (sept. 2014). Si les médias ont le devoir de nous alerter, « porter la plume dans la plaie » —selon l’expression du journaliste Albert Londres— ne suffit plus. Les journalistes ont la volonté de relayer plus souvent les réponses apportées aux problèmes. Ainsi, ils médiatisent toutes les initiatives, inspirent et génèrent plus d’impact.

« Lutter contre la fatigue d’impuissance »

Serge Tisseron, psychiatre et psychanalyste. L’être humain est doté de la capacité de pouvoir s’imaginer à la place de l’autre. C’est ce qu’on appelle l’empathie. Cette capacité est inséparable d’une composante d’action : ressentir la souffrance d’autrui suscite le désir de lui venir en aide, même si cette composante peut être inhibée (…). Le problème est qu’avec les écrans, nos capacités de ressentir et d’agir sont séparées. Nous sommes invités à ressentir toujours plus sans jamais pouvoir agir sur l’événement. Transformés par nos écrans d’actualité en spectateurs terrifiés d’un monde sur lequel il nous semble impossible d’agir, nous développons une fatigue d’impuissance.

Olivier Quelier.

 

 

 

 

Le journalisme de solution, solution du journalisme ?

Entre rédacteur et secrétaire de rédaction pourquoi, parfois, ça clashe…

Les relations entre les rédacteurs et les secrétaires de rédaction ne sont pas toujours faciles. Entre arguments de l’un et mauvaise foi de l’autre, entre posture des uns et (dé)considération des autres, les points de conflit sont multiples.

Amanda Patterson est une romancière américaine. Sur son Tumblr, elle a formalisé en un tableau intitulé They clash because (Ils s’affrontent parce que…) les quinze raisons pour lesquelles l’éditeur et l’écrivain ne se comprennent pas.

Remplacez l’écrivain par le rédacteur, l’éditeur par le secrétaire de rédaction et vérifiez : le propos reste juste !

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Idem entre secrétaires de rédaction et rédacteurs, non ?
Entre rédacteur et secrétaire de rédaction pourquoi, parfois, ça clashe…

La fin des journaux ? Rien ne presse

Retomber, en ces périodes où Le 1 fête son centième numéro, où paraissent des publications aussi diverses et ambitieuses que Soixante-Quinze, Sang-froid et L’Impératif – retomber, donc, sur ce billet un peu trop défaitiste et fataliste d’Alain Rémond paru dans le quotidien La Croix.

Et se dire que non, décidément, rien ne sera aussi simpliste.

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La fin des journaux ? Rien ne presse

« Quand la légende dépasse la réalité… »

lbe3docntnb0fbkduymk9pywy9wpdj1xCette célèbre citation est tirée du film de John Ford L’Homme qui tua Liberty Valance.

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Dans sa traduction française, la réplique complète est connue sous cette forme :

« On est dans l’Ouest, ici. Quand la légende dépasse la réalité, on publie la légende ».

Ou celle-ci : 

« Si la légende est plus belle que la réalité, imprimez la légende. »

 

« Quand la légende dépasse la réalité… »

Les six conseils d’écriture de George Orwell

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George Orwell (photo : domaine public).

Ah les listes de conseils d’écrivain ! Elles fleurissent sur Internet, livrant aux amateurs éperdus, par lots de cinq, de sept ou de dix, les recommandations de plus ou moins grands auteurs.

L’exercice est superficiel bien sûr, mais pas tout à fait inutile : il rassure, formalise des ressentis et, surtout, permet à chacun de se constituer sa propre liste sur laquelle s’appuyer quand le besoin est là. Sur son blog Média Trend, Marc Mentré, fin connaisseur de George Orwell, lui a consacré une série de longs articles riches et pertinents. C’est dans l’un d’eux que j’ai trouvé cette liste de six conseils d’écriture que je vous livre ici.

La novlangue

George Orwell fut journaliste avant d’être écrivain, et continua d’écrire critiques, chroniques et articles sa vie durant. Il fut toujours attaché à la langue, à l’écriture et à la qualité de l’expression. Tout lycéen a entendu parler de la novlangue et a lu (du moins je l’espère) 1984.

George Orwell est toujours très présent dans la société contemporaine, un peu à tort et à travers hélas : la promo 2015/2016 de l’ENA porte son nom, les commentateurs ne cessent d’évoquer la « novlangue pédagogiste » de la réforme des collèges. Mais face à un usage qui se galvaude, il est bon d’en revenir à des sources précises et sérieuses.

Une vitre transparente

En attendant, pour commencer à vous constituer votre liste de conseils d’écriture, quelle que soit votre posture d’écrivant, comme disait Barthes (journaliste, étudiant, auteur…) voici ce qu’écrivait Orwell dans son essai La Politique et la langue anglaise, et qui, comme le rappelle Mentré, « servit de guide de style aux journalistes de The Observer pendant un demi-siècle » :

  1. N’utilisez jamais une métaphore, une comparaison, ou toute figure de rhétorique que vous avez déjà lu à maintes reprises.
  2. N’utilisez jamais un mot long si un autre plus court peut faire l’affaire.
  3. S’il est possible de supprimer un mot n’hésitez jamais à le faire.
  4. N’utilisez jamais le mode passif si vous pouvez utiliser le mode actif.
  5. N’utilisez jamais une expression étrangère, un terme scientifique ou spécialisé si vous pouvez leur trouver un équivalent dans la langue de tous les jours.
  6. Enfreignez les règles ci-dessus plutôt que de commettre d’évidents barbarismes.

D’autres listes suivront, bien sûr. Chacune vous permettra de cheminer dans l’écriture. Orwell, lui, a visé toujours plus de simplicité : « Au cours de ces dernières années, je me suis efforcé, dans mon écriture, de bannir le pittoresque au profit de l’exactitude. (…) La bonne prose est comme une vitre transparente ».

Olivier Quelier.

Les six conseils d’écriture de George Orwell